Cancer - Les médecines douces font leurs preuves

Julie Benoît 29/09/10 à 06h49

60 % des patients cancéreux recourent aux thérapies douces, selon la première étude sur le sujet. Médecins et hôpitaux commencent à intégrer ces soins complémentaires.



De l’auriculothérapie à l’Institut Gustave-Roussy, de l’hypnose et de la sophrologie à l’Institut Curie, du karaté et du yoga à l’hôpital Avicenne de Bobigny, de l’homéopathie au CHU de Strasbourg… Quelques hôpitaux innovent en incluant dans leurs soins de support aux patients cancéreux des médecines dites complémentaires. Une offre qui reste cependant minime par rapport à une demande grandissante.
N’en déplaise : les patients vont chercher ces médecines de leur côté. Combien sont-ils ? Beaucoup, révèle la première étude conduite à ce sujet par l’Association d’enseignement et de recherche des internes en oncologie. Verdict : 60 % d’entre eux ont recours aux médecines complémentaires – dont la moitié déclare s’y être mise après la maladie. « En tête arrive l’homéopathie, utilisée par 33 % des patients. C’est un vrai particularisme français », précise le Dr Manuel Rodriguès, président de l’association. Suivent les acides gras et les oméga 3 (28 %), les probiotiques (23 %), la consommation de vitamines C (23 %), les régimes alimentaires alternatifs (22 %), le thé vert (20 %) et la pratique d’un sport (20 %).
« Chaque jour, 1.000 personnes apprennent qu’elles sont atteintes du cancer, et 400 succombent à la maladie. La médecine a fait des progrès, mais elle a aussi ses limites. Il est donc légitime que les patients veuillent mettre toutes les chances de leur côté », analyse le Dr Jean-Loup Mouysset, oncologue et président de l’association Ressource.

Recherche cruciale du bien-être

Les malades cherchent d’abord à minimiser les effets secondaires des traitements, à booster leur système immunitaire, et, plus globalement, sont à la recherche de bien-être. Pas d’une guérison miracle. C’est toute la différence entre les médecines « complémentaires » et les médecines « alternatives ».
En adoptant d’autres remèdes en marge de leur traitement conventionnel, les patients cherchent aussi à s’approprier une maladie qui, d’examens en séances de chimio, de protocole médical à un autre, finit par leur échapper. « Les patients ont envie de participer activement à leur traitement, autant les encadrer dans cette démarche pour les orienter vers les médecines qui ne sont pas dangereuses », juge Manuel Rodriguès. « Cela permet au malade de prendre part à la démarche thérapeutique, renchérit Jean-Loup Mouysset. Cette dynamique est très importante pour la guérison. Les études montrent qu’elle contribue à un système immunitaire plus efficace. »

En parler à son médecin

L’importance de cette quête du bien-être dans le processus de guérison est l’un des grands enjeux à venir de la médecine, et plus que jamais chez les patients atteints d’un cancer. « L’important est d’avoir une démarche globale », insiste le Dr Mouysset. Cette médecine dite « intégrative », beaucoup développée aux Etats-Unis, est encore balbutiante dans l’Hexagone, malgré la brèche ouverte par quelques spécialistes et dont David Servan-Schreiber s’est fait le héraut.
Les Français, du reste, s’y mettent en catimini : 46 % des patients suivis n’ont jamais parlé de ces traitements parallèles à leur médecin. « Ils craignent de ne pas être pris au sérieux », rapporte le Dr Rodriguès. Un silence qui peut s’avérer dangereux, car si ces médecines peuvent apporter de réels bénéfices, « tout traitement peut avoir des interactions, notamment la phytothérapie », insiste le Dr Mouysset (lire encadré). D’où la nécessité d’une bonne collaboration entre les oncologues et les autres médecines.

L’acupuncture, contre les effets secondaires de la chimio

De nombreux essais cliniques ont démontré son efficacité en support au cancer. Il y a un an, la clinique St-Jean-de-Dieu à Paris a intégré dans son équipe d’oncologie le Dr Philippe Jeannin, médecin acupuncteur. La route a été longue jusqu’à la reconnaissance pour ce spécialiste qui, depuis 1986, fait bénéficier les patients cancéreux des bienfaits de cette médecine millénaire. « C’est la chimiothérapie qui va guérir ces patients. Mais l’acupuncture va en neutraliser la plupart des effets secondaires. Elle va permettre aux patients de tenir debout, de continuer à vivre le plus normalement possible », explique-t-il. Nausées, vomissements, diarrhées, aphtes, fatigue : tous ces effets secondaires de la chimiothérapie peuvent être, dans la plupart des cas, neutralisés par l’acupuncture. Pas d’action miracle en revanche contre la chute des cheveux, « mais à partir de la 8e ou 10e séance d’acupuncture, on peut induire leur repousse alors même que la chimiothérapie n’est pas finie. Ce qui est très important psychologiquement ». Autre action des aiguilles : normaliser le bilan hépatique, et éviter que les globules blancs et plaquettes ne s’effondrent.

Contre les effets secondaires des nouveaux traitements.

Même avec la mise au point de molécules révolutionnaires, comme le Taxol ou le Taxotere, utilisées maintenant pour traiter de nombreux types de cancer, l’acupuncture a son rôle à jouer. Elle vient à bout du syndrome mains-pieds, l’un des effets secondaires des nouveaux traitements du cancer, caractérisé par de très fortes douleurs du type brûlures, qu’aucune molécule chimique ne peut neutraliser. « Traiter cet effet secondaire difficilement supportable pour les patients permet de poursuivre l’administration du traitement le plus longtemps possible et à pleines doses, explique Philippe Jeannin. Et donc, d’optimiser les chances de guérison.

La phytothérapie, pour supporter chimio et radiothérapie

Les plantes sont à l’origine de notre médecine actuelle. C’est donc tout naturellement qu’elles trouvent leur place dans les soins complémentaires. « La phytothérapie, souvent couplée avec l’homéopathie, permet de mieux supporter la chimiothérapie, physiquement et psychologiquement, mais aussi de renforcer le terrain, de stimuler l’immunité », explique le Dr Bérangère Arnal, gynécologue, qui prescrit des plantes depuis vingt-cinq ans.
Le desmodium protège le foie du traitement agressif qu’est chaque séance de chimiothérapie. Le curcuma potentialise l’action de certaines molécules utilisées en chimiothérapie – mais en perturbe d’autres, met en garde la spécialiste. L’huile essentielle de Niaouli, appliquée immédiatement après une séance de radiothérapie sur la zone irradiée, puis 3 heures après, permet de minimiser les brûlures.

Pour se préparer aux examens

La phytothérapie a également un rôle à jouer en amont – mieux appréhender des examens intrusifs et angoissants comme une biopsie – et en aval – mieux récupérer après une anesthésie générale, par exemple. « Les patients n’ont pas à subir ces examens et ces traitements sans avoir été préparés psychologiquement. » La phytothérapie prend en compte cette détresse psychologique.

Plantes : attention aux interactions !

Le curcuma longa et le kava sont dangereux pour le foie ; l’aristolochia fangchi pour les reins ; les échinacées pour le système cardiovasculaire… D’autres substances interagissent avec le traitement conventionnel en modifiant le métabolisme, diminuant l’efficacité de certaines molécules, augmentant la toxicité d’autres. Le millepertuis, plante couramment utilisée en cas de dépression légère, a un métabolisme hépatique qui peut entrer en compétition avec certains médicaments. Le jus de pamplemousse contient une molécule qui va réduire la transformation de certaines molécules, augmentant leur temps d’action. Les compléments concentrés à base de soja sont contre-indiqués avec l’hormonothérapie du cancer du sein. L’ail, le ginkgo biloba, l’echinacea purpurea, le thé vert, le chardon Marie, la primevère du soir, sont d’autres substances à utiliser avec précaution en fonction du type de chimiothérapie.


Julie Benoit pour France Soir


Rédigé le 30/09/2010 à 17:14 modifié le 30/09/2010


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