Médecines Douces

La Spasmophilie vue par Agnès JAOUI

Actrice, auteur, réalisatrice, scénariste passionnée et spasmophile, Agnès Jaoui, bien que très occupée par son actualité cinématographique - la présentation de son film "Comme une image" en compétition officielle au festival de Cannes - a bien voulu nous répondre et parle à coeur ouvert de son ressenti, de ses angoisses et se livre sans ambages dans une interview poignante de vérité.



Comme une image, Mars distribution
Comme une image, Mars distribution
Sur scène, à trente ans, vous avez été victime d'une crise de spasmophilie, comment avez-vous découvert que vous étiez spasmophile ?

Je n'ai pas compris tout de suite, j'ai d'abord cru, comme de nombreux spasmophiles qui font leur première crise, que j'allais mourir. J'ai toujours cette impression sauf que je sais maintenant ce que c'est J'ai consulté de nombreux médecins qui m'ont dit nombre d'inepties, c'est encore pour eux une maladie imaginaire...
Ils ne vous donnent aucune explication. Vous ne savez pas du tout ce que ça veut dire et ce qu'il faut faire, quelle angoisse ! C'est tellement différent d'un autre mal. Quand vous souffrez d'une maladie reconnue ou admise, vous pouvez la citer, les gens comprennent. Pour la spasmophilie, vous êtes totalement démunie Vous êtes seule à savoir, j'ai souvent envie de dire : j'ai vaincu la mort plein de fois, c'est ça mon courage !

Monter sur une scène devant un public, je ne vois là rien de courageux. En revanche, seule, en crise, j'ai le sentiment d'une effroyable solitude et d'une souffrance telle qu'elle m'emporte malgré moi. Ça ressemble, d'après ce que l'on m'a dit, au ressenti que l'on éprouve lorsque l'on fume du haschisch, cette impression de sombrer, de sentir le sol se dérober sous soi. Or, je n'ai rien fumé, rien bu. Tout d'un coup, il y a quelque chose qui se passe, une perte de contrôle, c'est terriblement angoissant, d'autant qu'il n'y a pas de cause.

Contrairement à ce que pense un imbécile de médecin, ce n'est pas sur scène, qu'arrivent les crises, ce n'est pas pendant le stress, c'est après. Elles peuvent se produire six mois plus tard, au moment où l'on lâche ses défenses, une sorte de décompensation...

Ce qui m'a formidablement aidé c'est le terme " attaque de panique ", expression employée aux Etats-Unis, où la spasmophilie est reconnue depuis plus longtemps Savoir que ça va s'arrêter, que c'est juste un moment" une attaque ", ça rassure. Je sais que ça va passer, que je ne vais pas mourir. Ça dure quelquefois 5 minutes, des fois 20, des fois plus, c'est horrible et surtout j'ai peur de ne pas assurer. J'ai appris toute seule à vivre avec et à tranquilliser des gens qui paniquaient.



Donc vous avez secouru les autres ?

Oui, parfois... Discerner les symptômes, ça aide énormément. Moins on connaît la maladie plus c'est pénible. Quand on y est habitué, on essaye de se raisonner.

Deux médecins m'ont soutenue, le docteur Hugo acupuncteur et le docteur Cailleaux, mon médecin de toujours. Lui seul, avait diagnostiqué le problème et avait prononcé le mot spasmophilie, en outre, c'est un homme intelligent il écoute, ne juge pas, prend le temps. Ce n'est pas le cas d'un grand nombre de praticiens. Ils vous reçoivent quelques minutes pendant lesquelles vous n'avez rien dit et ils commencent à prescrire...

Vous n'avez même pas pu vous exprimer, dire où vous avez mal, rien, et c'est l'ordonnance, le tiroir caisse. On a même l'impression qu'ils ont peur de vous regarder Prendre deux minutes pour observer la personne dans les yeux, ce n'est pas grand-chose mais ça réconforte. Heureusement, j'ai rencontré le Docteur Hugo.11 m'a fait parler et a compris. Je sortais d'un deuil. Ça m'a fait du bien de pouvoir relier les événements traumatiques et la cause. La grande angoisse c'est ne pas comprendre pourquoi ?

Certes, ce n'est pas grave, mais c'est un handicap qui gâche une vie, c'est contraignant et le plus souvent ça arrive dans les moments de détente, de plaisir, de tranquillité. Il faut que je sois toujours dans le stress, finalement. J'essaie donc d'apprendre à gérer les phases d'activité très grandes et les phases tranquilles où j'écris et je passe d'un niveau de stress stimuli énorme à un quotidien désorganisé.

Dans votre métier, cette hyper- sensibilité vous aide-t-elle à mieux camper ou incarner vos personnages ?

Peut-être, je pleure un peu plus facilement que les autres, mais c'est aussi mon métier. J'ai de l'empathie, enfin j'essaye. Pour interpréter ou écrire, ça me sert et ça m'aide à moins juger. Avoir l'impression de mourir quotidiennement me met dans un tel état de fragilité que j'ai de la tendresse, pour les déprimés, dépressifs, angoissés, drogués... Un être existe par ses failles, mais il est vrai qu'un artiste est peut-être plus exacerbé que les autres. C'est en tout cas ce que je ressens.

J'identifie très vite une personne en état de panique. De même, je ressens l'énergie d'une salle ou la force d'une personne d'une façon très violente. Ca peut-être positif comme négatif.


Donc, vous êtes à fleur de peau ?

Un peu. Je ne sais pas si c'est lié à l'état de spasmophile mais plus je vieillis, plus je trouve les belles choses encore plus belles et les choses dures, encore plus cruelles.

Je ne cesse de me faire la réflexion : Comment puis-je trouver facile d ' être heureuse et impossible de l'être ? Les deux s'épanouissent absolument conjointement.

Prendre conscience du moment, c'est magnifique et en même temps, il y a la maladie, l'anxiété, la guerre... Je suis une angoissée dans un monde dur et dérisoire à la fois où il faut parvenir à vivre sereinement et pleinement.

Il existe il est vrai, un point commun chez les spasmophiles, c'est la créativité, et ça se retrouve dans le milieu artistique. Après mon film, " On connaÎt la chanson" beaucoup de gens se sont reconnus, les médecins aussi d'ailleurs, je crois même que dans le Quotidien du Médecin il y avait un article disant : " Si vous vouIez comprendre ce qu'est la spasmophilie, voilà un film qu'il faut voir. " Dans son livre intitulé " Tenze ", le philosophe italien Georgio Agamben, parle de la dépression. Il ne parle pas de spasmophilie, mais c'est très approchant. Tous les spasmophiles ne sont pas dépressifs, mais ils sont aussi angoissés, anxieux... il y a une échelle de valeurs, enfin une échelle dans la profondeur du mal.
Agamben dit à quel point finalement, " le plus grand mal ce serait de ne pas en être atteint ". Ce qui m'a également fait du bien c'est de savoir que Colette avait fait une dépression et en avait les symptômes, que Maurice Chevalier qui est une image de la gaieté, de boute-en-train, en souffrait, Françoise Giroud également... il y a chez de nombreux artistes un fond dépressif, qui n'empêche pas la joie de vivre. J'ai souvent envie de dire: tu es sensible, il vaut mieux être sensible qu'insensible.

La vie d'artiste n'est pas simple, elle est merveilleuse et belle. Il faut savoir que l'on passe par des phases où l'on est le centre du monde pendant 24 heures et plus personne le lendemain.

Un artiste est par essence même quelqu'un de créatif, dans sa recherche il essaie d'aller au fond des choses, avec passion, ça lui donne une incroyable conscience d'exister, de vivre et là on mesure la démesure. En outre, si vous êtes spasmophile et qu'en pleine crise le soir vous vous endormez en pensant mourir, lorsque vous vous réveillez le lendemain matin c'est l'euphorie : "qu'elle est belle la vie!"



Rédigé le 18/05/2008 à 11:48 modifié le 30/01/2009


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Commentaires articles

1.Posté par Aliocha le 28/09/2011 12:54
Je suis spasmophile aussi, et la première partie de votre texte ou vous expliquez la non-reconnaissance de la maladie, et le sentiment que l'on éprouve m'a énormément touché.
Il est très dur pour moi d'accepter que je ne peux pas vivre au même rythme que les autres, surtout sous leurs regards accusateurs. La non compréhension de la gravité, par ma propre famille et mes proches est aussi très dures à accepter.
Je vous remercie, car votre texte m'apporte du beaucoup de soutien, et me montre que je ne suis pas seule.
Salutations.
Aliocha

2.Posté par Meriem le 12/01/2012 16:53
Merci Agnès, de votre témoignage..J'ai connu votre maman.-à l'IFAT-Je comprends ce que vous dites sur l'incompréhension des Dr....J'ai été étiquetée fibromyalgique, j'ai des douleurs musculaires et fatigues intenses, depuis 2007,avec la malchance d'être depuis 1 an allergique à TOUS les antalgiques...Le dr ont peur de me faire une IRM, à cause du galodonium à injecter......j'ai 66 ans, ma vie est derrière moi, j'ai écrit un témoignage qui me tenait à coeur sur les problèmesde mariages mixtes..
Vous êtes une actrice magnifique...! pleine de sensibilité, et d'expressivité....
Bien à vous.

Comme Aliocha le dit, on se sent moins seule...

3.Posté par bantegnie le 15/10/2014 18:14
je me permet de faire un commentaire concernant la SPASMOPHILIE étant moi même spasmo depuis de nombreuses suite au décès de mon époux en 1988...depuis que je suis rentrée dans l'enfer de la ménopause un médecin de sos médecin m a confirmée que j avais de grosses crise de spasmo prescrit du magnésium calcium vitamine D et B6 etc......lorsque j ai des crises je suis complétement vidée de mes forces je ne tiens même pas une feuille de papier dans les mains les jambes et tout le corps tremble jusqu a évanouissement sans perte de connaissance
C EST TRÈS DUR A VIVRE...
Je pense que les médecins doivent se pencher un peu plus sur ce problème car nous sommes ombreux a souffrir et il n y a pas trop de solution...
merci pour votre réponse...et si vous avez des suggestions??????

4.Posté par Delcampo le 21/05/2015 18:29
Concernant les crises de spasmophilie, quelques séances guidée de "Respiration Consciente" et tout rentrera dans l'ordre. C'est l'amalgame entre la peur de faire une crise, les sensations étranges qui s'amplifient et qu'on redoute ou refuse, la tétanie qui arrive (quand la personne force inconsciemment sur l'expiration) qui fait que cela peut être vécu comme une expérience désastreuse. Convenablement guidée on se rend compte rapidement que c'est un processus naturel du corps et de l'esprit pour évacuer le stress en trop.

5.Posté par Valérie Lambert le 14/01/2020 23:22
Merci pour votre témoignage
En vous lisant on se sent moins seule
Je souffre d attaque de panique depuis 30 ans et seul les personnes ayant connu ces angoisses peuvent comprendre ce mal étre

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